
( AFP / DENIS CHARLET )
Derrière la caisse, de grandes étagères désespérément vides: la petite épicerie de Consenvoye, village de 300 habitants dans la Meuse, vient d'apprendre la fin de sa collaboration avec le spécialiste de la livraison de colis Mondial Relay, une décision mal vécue aussi bien par la gérante que par la population.
Dans de nombreuses communes rurales partout en France, le choix de la société de se séparer d'une partie de ses points relais a des conséquences bien concrètes pour les habitants: à Consenvoye, ils doivent parcourir au moins 10 kilomètres pour déposer ou réceptionner leurs paquets.
Avec 8.000 colis à l'année, et donc autant de passages, ce service générait un trafic important dans l'épicerie du village, regrette Déborah Bouron, la gérante du commerce qui appartient à la commune.
"On avait changé tout le mobilier pour que ce soit plus simple de trier les colis par ordre alphabétique, les ranger et pouvoir les scanner en quelques secondes" et ainsi faire gagner du temps aux clients, se désole-t-elle alors que depuis quelques jours, le meuble flambant neuf est vide.
Car l'activité s'est soudainement effondrée: début mars, elle avait reçu 130 colis en une semaine. Mais seulement une trentaine la semaine d'après, puis deux la suivante. "Là j'ai compris qu'il y avait un problème", dit-elle.
- Consignes privilégiées -
Malgré plusieurs échanges avec l'entreprise, sa boutique ne peut plus recevoir ni assurer l'envoi de colis. Mondial Relay a refusé ses demandes de maintenir leur collaboration et "a récupéré tous les équipements" qu'il lui avait confiés, regrette Mme Bouron.
Sollicité par l'AFP, Mondial Relay a confirmé qu'il allait se séparer cette année d'environ 3.500 de ses points de collecte, sur 11.000 au total en France. L'entreprise invoque un "contexte d'évolution du marché de la livraison de colis et des habitudes des consommateurs", lesquels privilégient de plus en plus les consignes.
Ces équipements automatiques, souvent placés sur les parkings de grandes surfaces alimentaires, "sont largement plébiscités" par les clients, affirme l'opérateur logistique, qui précise en avoir déployé plus de 7.000 en France.
Selon la fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad), 19% des cyberacheteurs français ont utilisé ces casiers de consigne en 2024, contre 15% l'année précédente.
Mais pour Jennifer Albasser, assistante maternelle à Consenvoye, ces consignes, moins sécurisées, ne sont pas la solution idéale.
La plus proche de Consenvoye est située à Verdun, à une vingtaine de minutes en voiture, ce qui pénalise Mathilde Rabaté, une autre habitante, qui envoie "au minimum un colis par semaine" notamment via Vinted.
"Si on doit se déplacer autant pour envoyer un colis à un euro, on ne rentre même pas dans nos frais", regrette-t-elle, d'autant que ce site de vente d'articles de seconde main impose des délais restreints pour expédier les paquets.
- "Zones de vie locale" -
Les commerçants concernés par la rupture abrupte des contrats de Mondial Relay sont situés en régions, hors de Paris, souligne Pierre Bosche, président de la Confédération des commerçants de France. Ils "ont été très surpris par ce revirement inattendu qui les prive d'un complément de revenus" pouvant atteindre 300 euros par mois, dit-il à l'AFP. Un montant "significatif" pour des gérants non salariés dont plus de la moitié se payent moins que le Smic.
"C'est regrettable", déplore de son côté Emmanuel Le Roch, délégué général de la fédération du commerce spécialisé Procos. La livraison hors domicile doit continuer à profiter aux "zones de commerce" et de "vie locale", par opposition aux zones d'habitation, souligne-t-il.
Les habitants de Consenvoye et des villages alentour songent désormais à privilégier la livraison à domicile. "C'est plus cher, mais quand on fait le compte, c'est comme si on allait exprès à Verdun", calcule une riveraine, Émilie Beaudaux.
S'il existe d'autres entreprises de livraison de colis, il n'est pas évident de devenir l'un de leurs "points relais", selon Mme Bouron. "Il faudrait que les clients réclament eux-mêmes" l'implantation d'un concurrent à Mondial Relay, ce qui n'est visiblement pas encore le cas.
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